Une bien agréable demande

Tifni était seule à la taverne, tranquillement occupée à siroter une petite bière de chamallas. L'atmosphère paisible et déserte de l'endroit lui laissait un léger goût d'amertume dans la bouche ; elle sentait peu à peu une étrange solitude l'envahir. Une solitude pas franchement désagréable, mais qui prêtait à réflexion.

Doucement, ses pensées s'éclaircissaient... et tout à coup, elle se rendit compte de quelque chose : voilà maintenant de nombreux mois qu'elle arpentait les forêts d'Alidhan. Elle en connaissait maintenant de nombreux chemins ; elle avait fait le tour de beaucoup de ses contrées. Et maintenant, elle n'aspirait qu'à une chose :

Servir de guide !


Elle pensa alors à Winog, petit archer qui démarrait avec peine dans les méandres de Mérulik, qu'elle adorait et avec qui elle partageait plein de rigolades et de bons moments... Et elle sut ce qu'elle devait faire!
Elle se leva rapidement, courut dans tout le manoir en criant :

WINOGGGGGG !!!!!!

Le crépuscule se dessinait doucement; les derniers rayons du soleil dardaient à travers les nuages bas, donnant au ciel une teinte rouge et orange.
Dans le ciel flamboyant je suivi des yeux le vol des derniers oiseaux des marais rejoignant leurs aires. Je m'étais encore une fois assoupi, debout; mes yeux grands ouverts tandis que mon esprit vaquais dans un autre espace de l'empyrée.
Je secouais la tête pour effacer les dernières brumes de mon esprit et repris la contemplation du firmament où naissait doucement les premières étoiles visibles entre chien et loup.

Un vol attira mon attention, un jeune épervier qui prenait son essor alors que tout ces pairs en cette heure, n'étaient déjà plus visible. Il glapit, son cri résonna à mes oreilles comme l'appel de quelque chose qui m'attendait, comme le présage de quelque événement à venir...



Pourtant rien ne semblait pouvoir m'inquiéter, la nuit à son plus jeune âge était douce, l'air tiède et les senteurs de la terre envahissaient mes narines.
Une chose pourtant aurait du piquer ma curiosité, depuis le cri de l'épervier aucun son ne se faisait entendre.
Juste une sorte de bourdonnement, une vibration claire, tamisée, presque chantante...Je m'éveillais à ces signes, de bonnes ou mauvaise augure; à cet instant je n'en pris pas conscience mais décidais de maintenir ma garde et refusais de succomber de nouveau à l'appel de l'ataraxie (j'avais gagner déjà il y a bien longtemps la sagesse de mon âme au prix de grands sacrifices).

Je me laissais guider par l'entendement et décidais de retrouver un peu la civilisation. Au hasard de mon cheminement, mes pas me guidais involontairement vers l'auberge.

Endroit qui m'effraie en temps ordinaire, où les pensées des hommes se bousculent au milieu des grognements des guerriers et des râles des putains. L'atmosphère vicié par la fumée des fourneaux et l'odeur de sueur des soudards...
L'histoire m'avais laisser des stigmates et je me forçais parfois à renouer avec la populace , rien de pédant en soit, juste un malaise prononcé qui me forçais à éviter ces attroupements qui m'avaient tant réjoui le cœur naguère.

Pour la première fois depuis longtemps, je ne ressentie aucune indisposition; du moins pas aussi violente que d'ordinaire.
J'en étais sûr, ma marche m'avait guider vers cette taverne. Un je-ne sais-quoi m'attirais involontairement ici...

La lueur diffuse des candélabre se dispensait au travers des fenêtres, le brouhaha exacerbait mon ouïe; pourtant il fallait que je franchisse le seuil. De cela j'en étais sûr.

Je me résignais dans l'ombre, pris une grande inspiration.
Après quelques hésitations j'entrai...

Tifni était partie en courant dans le manoir et en faisait le tour en criant "Winoggggg"... Personne ne lui répondait et elle était un peu frustrée...
Découragée, se disant que l'objet de ses recherches était parti faire un tour, elle finit, dépitée, par retourner vers la taverne, toujours en courant.
Bougonnant, elle regardait à terre et ne voyait rien devant elle. Elle finit par percuter un jeune archer qui hésitait devant l'entrée, suspicieux.

Oupssss!! Désolée !
Winogggg je te cherche depuis 1 heure !!! tu ne m'as pas entendu hurler ? c'pas croyable, ça ! quand on a besoin d'un homme, il faut toujours qu'il nous fasse défaut !
Bon viens avec moi, faut que je te parle...

Tifni rentre dans la taverne et va s'asseoir sur une chaise au fond de la salle, sans même vérifier que Winog la suit.

La porte en chêne massif, noircie par les années coulissa sans effort sur ses gonds. Les premiers remugles de la salle bondé m'assaillirent. Je combattis la nausée qui montait et luttait pour ne pas faire demi-tour.

Quelque chose ou quelqu'un m'avait attiré ici. Je devais rester et découvrir quel tour m'attendait.

La salle était pleine comme à l'ordinaire en ces heures tardives. sur la droite un ménestrel, perché sur une petite estrade, essayait d'attirer l'attention des consommateurs présent. Les uns accaparés par une partie de dés, d'autres conversaient sous couvert. Les filles de salle vaquaient au sein de cette masse, s'efforçaient de ne rien renverser; faisant mine de ne rien remarquer lorsqu'une main baladeuse s'égarait sur une cuisse ou qu'un vilain osait leur claquer le fessier.
De grandes tablées s'ouvraient devant moi, des marchands, des soldats et paysans conversaient, raillaient, criaient...
Personne ne sembla remarquer ma présence, si ce n'est le regard scrutateur et méfiant que me lança le patron de derrière son comptoir.

Une ombre passa, me bousculant; mais je n'y attachait aucun égard, une parole, mais je ne compris pas.
Je décidais de ne pas m'attarder plus longtemps sur le seuil et avançait de quelques pas, comme allant à la rencontre d'un vieil ami, sûr de le trouver ici.

Je scrutais la salle une fois encore.

Au fond, quelques alcôves où se déroulaient parfois les marchandages discrets d'objets de contrebande, aussi, à peine voiler par des tentures usées, des "clients" plus entreprenants qui décidaient de passer un peu de bon temps en compagnie de dames peu scrupuleuses.

Que venais-je faire ici. Qu'est ce qui m'avait poussé à revenir en de tels lieux où jadis, comme eux, j'avais dilapider mon or et ma raison.

Mon regard s'arrêta sur un recoin de la salle. Un peu à l'écart; là, quelques tables rondes où siégeaient des notables où d'autres cherchaient simplement la solitude au milieu de la populace; triste sort...

La vibration s'intensifia dans mon esprit, je savais, j'approchai la fin de mon tourment.
Pour me rassurer, je mis la main sous ma veste, le contact froid de ma dague, le fil tranchant au bout de mes doigts me tranquillisa.
J'avançais encore au milieu des tables, évitant de peu un plateau de bière, qu'un ivrogne avait fait renversé à l'une des filles. Elle se confondit en excuse mais je n'y prêtait pas attention. Pas plus qu'à ceux qui venaient de vider leur bourse et renâclaient à payer l'aubergiste ou cherchaient simplement la mansuétude d'un inconnu pour leur octroyer quelques monnaie de bronze.

J'avançai encore...

Là !

Cette silhouette; je la connaissait. Elle me tournait le dos; je cherchait aux tréfonds de mon esprit tourmenté. Ses épaules fines mais athlétiques; son port de tête digne d'une reine des temps anciens; je reconnu sa coiffe et ses longs cheveux de jais.

Je levais la main, j'étais à un pas derrière elle. Je ne savais que faire; il me fallait agir; me défiler peut-être et retraverser la salle comme j'étais venu, sans que personne ne se rende compte de rien...Ce n'était qu'une ombre diraient-ils.

Au moment ou j'allais poser ma main sur son épaule ou fuir...!
elle se retourna . Une sorte d'euphorie se lisait sur son visage d'ange. Elle me scruta des yeux et dit :
" Je t'attendais..."

Tifni, le visage radieux, le sourire aux lèvres ; écarquilla les yeux et dévisagea Winog.
« Tu as l’air soucieux… » dit-elle « …tu n’as pas de problème j’espère ? »
« Non ! » répondis-je « juste une étrange sensation assez tenace, dont je n’arrive à me défaire… »
Je laissais là ma phrase en suspend, quand elle repris.
« Qu’importe… » me répondis t’elle « …assied toi, il ;,faut que je te parle ! »

Je m’asseyais en face d’elle et me mis à la dévisager à mon tour.

Je n’en me rendis pas compte immédiatement, mais le bourdonnement avait cessé.

Ses yeux noirs et profonds comme la nuit où semblait scintiller quelque chose, des étoiles, des diamants…non, la vie ; aucune comparaison n’était possible. Son nez fin, ses pommettes, ses lèvres tout justes rehausser d’un trait ; sa peau de pêche et ce teint clair.
Je me noyais dans son regard, plus aucun son ne parvenait à mes oreilles, ni les rires, ni les cris je me fermais au brouhaha environnant.
J’étais assis face à un ange. Mon esprit s’apaisait. Une réponse fit jour en conscience.


J’étais perdu depuis tant de temps, les brumes s’évaporaient doucement, alors que je croyais avoir perdu tout espoir de mon salut.
Voilà la raison de mon tourment. Il me fallait faire appel à un nouveau cicérone. Je ne pouvais traverser ces épreuves seul. Ce n’était pas de la faiblesse, juste un irrépressible besoin. J’avais enfin compris que c’était elle qui m’avait appelé, non pas quelque force obscure. Elle était la sagesse incarnée, tout son être transpirait la bonté, la gaîté, l’insouciance...

Elle irradiait ;
Oui ! C’était le terme le plus approprié.
Elle était la lumière dont j’avais besoin, j’étais l’ombre.
Aussi opposé que complémentaire ; grâce à elle je pourrais renaître, m’épanouir peut-être…



Tout à ma réflexion, je n’entendis point ses paroles, elle faisait de grands gestes pour attirer mon attention, alors que lentement je refis surface.

« winog….Winog…WINOG !!! » je lui souriais ;
« Eh bien, tu ne m’écoutes pas ? » rugit-elle « Cela fait près d’une heure que je m’évertue à te parler ; tu n’as même pas toucher à ta bière.. ; »

Tifni considéra winog ; son air taciturne et farouche habituel semblait avoir disparut ; la grisaille et la tristesse s’évanouissaient sur son visage ; son front moins plissé, sur ses lèvres naquit un sourire ; elle si fine observatrice lut dans son regard un changement, elle y vit de l’espoir…



J’ouvris la bouche, plus aucun doute ne subsistait sur ce que j’allais dire ou faire ; Je savais ne pouvoir me défaire d’elle, de ces conseils…la réponse était là !

« Veux tu être mon guide ? »

« Veux tu être mon guide ? »

Au même moment, Tifni avait ouvert la bouche, les yeux brillants et avait soudainement dit :

" Veux-tu être mon filleul ?"

Leur deux questions jointes, prononcées au même moment, fusèrent dans l'air de la taverne, si soudainement, que toutes les conversations semblèrent s'arrêter...

Tous les regards convergèrent vers le fond de la taverne où essayait désespérément de se cacher Winog. Mais c'était trop tard, tout le monde avait entendu...

Une lumière jaillit du ciel, environna les deux êtres, suspendant le temps, l'espace et tout le reste. La lumière fusa, emprisonnant l'une et l'autre dans un serment indéfectible... Leur sort était désormais lié... Ils ne pouvaient plus reculer...

WWOOUUUAAHHHHHHHHHHH

*je levai mon verre et cria*

FELICITATIONS A VOUS 2