Et comme il faut bien commencer par quelque part, je choisis le bar, un comptoir en zinc froid que les verres de vin se chargeront de réchauffer, une place au milieu ou.. non dans ce coin, en tête de zinc c’est mieux, plus paisible, la vue y est meilleure et chose importante, une seule place libre sur le coté, ça limite la casse ou les casses pieds.
J’ai mes entrées et pourtant je connais si peu de gens, alors pourquoi choisir cet endroit plus intime qu’un autre.. peut-être par souci de discrétion, ou un besoin de me retrouver seul, d’attendre quelque chose ou quelqu’un, ou bien rien ni personne.
Et boire.
M’enivrer pour oublier, tuer le temps qui passe, assassiner un lampadaire qui m’aura ébloui, et si c’est l’alcool qui joue avec les lumières, tant pis, le lampadaire est de mauvais goût.
Aujourd’hui, j’ai un fanion vert, hier il brillait d’un éclat bleuté.
Je n’ai jamais porté d’attention à ces couleurs, à ces rois, déchus ou établis.
Le hasard m’a couvert de bleu, enveloppé d’étoffe aux couleurs du ciel, une erreur sans doute, que je répare maintenant.
Assis à ce comptoir, je pense à mes amis, mes anciens compagnons, ceux qui se sont dispersés au fil du temps, pour disparaître au terme d’un voyage devenu trop long.
Je ne les oublierais pas, peut-être l’un d’entre eux trouvera une issue, la même que la mienne et ici, qui sait, nous trinquerons dans ce lieu d’accueil, et nous rirons pour ne plus se perdre.
Mais ici, je l’avoue, je suis perdu.
Egaré entre les murs d’une auberge, d’une taverne, je ne sais plus.
Le temps s’est arrêté.
Ce soir, j’ai mal aux os
Le cœur en chiffon
L’œil oisif
Je cherche ma place parmi ceux qui m’accueillent.
Au travers du verre, le reflet naufragé du vin, son arôme qui effleure mon palais, pourtant il ne m’offre pas un sourire, pas un trait de satisfaction, il est fade et sans goût.
Ce soir, je guette l’ivresse au coin du zinc.