Solitude [rp privé]

Mia se réveilla en sursaut et retint de justesse un cri. La pluie battait contre la fenêtre. Ce n'était pas une pluie d'orage, mais une simple averse qui venait irriguer les champs. Le ciel était couvert de nuages blancs, mais on pouvait apercevoir au loin une éclaircie. La jeune femme, trempée de sueur, se leva lentement, luttant contre son envie de rester au chaud sous son duvet. Confrontée au froid qui régnait dans la pièce, elle frissonna. En cet instant, elle ne pensait qu'à une chose, se laver. Elle voulait effacer de sa mémoire les cauchemars de la nuit, elle voulait enlever de son esprit les images horribles que son subconscient lui avait imposées.

Sans réfléchir, l'archère se précipita dans la salle d'eau et fit sa toilette. Elle s'appliqua, prit le temps qu'il lui fallait et revint dans la chambre, fraîche et sereine. Elle délaissa sa serviette de bain pour enfiler une chemise brune plutôt moulante ainsi qu'un pantalon en cuir de la même couleur. Ses habits étaient simples, mais surtout ils étaient pratiques. En tant qu'archère, elle ne pouvait se permettre de s'habiller n'importe comment. Elle avait son style, celui de ne pas en avoir.

Mia s'approcha de la fenêtre et resta quelques instants à contempler le paysage. La plupart des gens voit la pluie comme un signe de tristesse. On l'y associe facilement. Pourtant, quand on y réfléchit, la pluie, c'est l'eau qui tombe du ciel et l'eau, c'est la source de la vie. Alors, pourquoi tant de gens pensent à la mélancolie en regardant la pluie? Simplement parce que voir les gouttes glisser inexorablement le long de la fenêtre rappellent les gouttes coulant le long d'une joue. La pluie rappelle les pleurs d'un être humain, elle rappelle la tristesse de ce monde...

La jeune femme secoua la tête pour chasser ses pensées. Détachant son regard de la vitre, elle retourna à son lit qu'elle défit. Elle entassa ensuite la pile de tissus mouiller dans un coin et retourna près de la fenêtre. La pluie s'était calmée, il ne tombait plus qu'une légère bruine. Elle repensa à sa nuit, à ses cauchemars. Cela faisait un moment qu'elle ne s'était plus joint aux Vindics pour une soirée à la taverne ou pour une sortie groupée. Elle s'était éloignée de ses amis et en ressentait à présent une certaine solitude. Elle l'avait cherchée, sans s'en rendre compte certes, mais le résultat était là. La jeune femme secoua à nouveau la tête. Elle réfléchirait plus tard. L'archère enfila ses bottes et mis sa cape, puis saisit les draps trempés et sortit de sa chambre.

Cette dernière se trouvait au premier étage du domaine des Vindicatrices, tout à l'est de l'aile nord. Le couloir était bien rempli, il ne restait que quelques chambres vident. De nouvelles recrues allaient bientôt les remplir, cela ne faisait aucun doute. Mia descendit les escaliers de marbre blanc. Pour pouvoir se débarrasser de son tas de linge, elle devait changer de bâtiment et se rendre dans l'aile sud. Elle sortit donc du bâtiment et traversa la grande cour en courant. Parvenue dans le bâtiment sud, elle gravit les marches de l'escalier et se rendit dans le débarras. Elle y laissa son tas de draps et quitta la pièce.

Sa deuxième tâche serait de se rendre en cuisine. Son estomac lui intimait l'ordre de le nourrir au moyen de bruyants gargouillements. La jeune femme descendit au rez-de-chaussé et suivit l'odeur suave qui imprégnait l'air. Elle arriva rapidement à destination et avala un copieux petit-déjeuner. Il devait déjà être tard, car les cuisiniers s'affairaient à préparer le déjeuner. Les autres Vindics viendraient manger dans peu de temps. En y pensant, Mia se sentit un peu mal à l'aise. Elle les avait fuis en quelques sortes, elle ne se trouvait pas en droit de leur imposer sa présence à présent. Elle reviendrait petit à petit dans la vie de ses amis. Elle voulait son retour, imperceptible.

La jeune femme finit rapidement son repas, puis, rassasié, elle sortit de la bâtisse et rejoint sa chambre. Elle mit des draps propre à son lit, puis se mit faire des flèches. La chasse de la veille avait été rude. Soudain, une idée vint chatouiller son esprit. Elle mit ses gants de cuirs pour ne pas se blesser les mains et son chapeau, saisit son carquois et son arc, puis quitta la pièce. Il s'était remis à pleuvoir avec un peu plus d'intensité, mais elle s'en fichait. L'archère s'enfonça dans la forêt.

Tout avait très bien commencé. Mia s'était beaucoup éloigné du domaine et s'était mise à chasser les libellules de la forêt sombre. Elle n'avait perdu qu'une flèche qui s'était fendue. Les autres avaient pu être récupérées sur le cadavre des insectes. La chasse ne lui laissait aucun répit, car sitôt une libellule abattue, une autre venait prendre ça place. L'archère usait de tous ses talents pour esquiver les attaques successives des monstres et s'en tirait sans trop de problèmes, mais la fatigue commençait à se faire sentir, il serait bientôt temps de quitter les lieux. Elle encocha la dernière flèche de la soirée et lâcha la corde, mais au même moment, elle glissa sur l'herbe mouillée et le trait parti se perdre dans les broussailles. La jeune femme fixa son adversaire et voulut encocher une seconde flèche, mais soudain, l'insecte prit la fuite.

Mia resta droite, l'arc dans une main, la flèche dans l'autre et se tint à l'affut du moindre bruit. Par prudence, elle posa le trait sur l'arme et attendit, visant le sol. Lorsqu'une masse blanche apparut devant elle, Mia fléchit les genoux, prête à courir. Elle leva lentement son arc vers le loup qui lui faisait face et resta un instant sans bouger. Puis sans savoir vraiment pourquoi, elle abaissa son arme. Elle observa mieux l'animal et elle eut le souffle coupé. Le loup était magnifique. Sa robe blanche étincelait de même que ses yeux d'or. Il était d'une taille immense et s'imposait par sa prestance. Étrangement, il avait quelque chose d'humain, peut-être était-ce cette lueur dans son regard.

La prudence lui intimait l'ordre de maintenir sa garde, de lever son arme et d'attendre que le loup attaque en premier, pourtant un autre sentiment contradictoire et bien plus fort lui intimait l'ordre de ranger sa flèche et de faire confiance à la bête. Sans réfléchir plus longtemps, elle décocha sa flèche d'un geste lent et mesuré, puis la rangea dans son carquois. Elle posa ensuite, avec tout autant de délicatesse, son arc sur le sol mouillé, puis se releva et fit face au loup. Ce dernier n'avait pas bougé, ne semblait même pas avoir sourcilier. Cela en deviendrait presque angoissant et une autre que Mia aurait sans doute perdu son sang froid, mais étrangement, elle ne pensait pas au danger. Ses yeux n'avaient pas quitté les siens. C'était comme si elle espérait que le loup y déchiffrerait ses intentions, c'était comme si ce lien l'empêcherait de l'attaquer.

Les secondes se transformaient en minutes et rien ne se passait. Un certain malaise commença à s'installer dans l'esprit de l'archère. Sa confiance en l'animal n'était-elle pas irraisonnable? Sans doute, mais alors pourquoi se sentait-elle tellement en paix? Peut-être que c'est ce que ressentent les gens face à la mort? Non, son impression était tout autre, elle se sentait protéger, invincible... le début de la folie?

Quelques secondes s'écoulèrent encore, sans que rien ni personne ne bouge, mais soudain, le loup bondit dans la direction de Mia. Cette dernière plongea instinctivement sur son arc et encocha une flèche tout en gardant les yeux poser sur l'animal. Mais contrairement à ce qu'elle s'était attendue, il ne l'attaqua pas, mais bondit sur une libellule qui fonçait droit sur elle. Après avoir tué le monstre, le loup tourna la tête et regarda la jeune femme. L'archère resta figée, arc tendu. Que s'était-il passé? Elle cligna des yeux et se concentra. Le loup blanc avait couru vers elle, l'avait évité et avait attaqué une libellule. Cette libellule fonçait droit sur elle et donc, si ses conclusions étaient correctes, l'animal lui avait sauvé la vie. Était-ce réellement possible? Déjà que son sentiment d'invulnérabilité n'était pas normal, comment un loup pouvait-il avoir eu l'instinct de la sauver?

Mia arrêta net ses pensées lorsqu'elle remarqua une tache rose se découper du magnifique pelage blanc de la bête. Un ruban était attaché à sa patte arrière gauche. Ce signe n'était pas anodin et l'archère l'avait déjà vu bon nombre de fois. C'était le signe de ralliement des Divines Vindicatrices.

La jeune femme abaissa son arc. Elle observa le loup avec un regard interrogateur. Seul un Vindic pouvait porter ce ruban. Ce loup était donc un membre de la guilde.

"Qui es-tu?"

Avant même d'avoir fini sa phrase, elle sut qu'elle aurait dû réfléchir avant de parler. Comment le loup pourrait-il lui répondre et d'abord, ses conclusions étaient-elles correctes? Ne s'était-elle pas imaginée toute une histoire?

L'archère décocha sa flèche, la rangea et secoua la tête. Toute cette histoire était vraiment étrange, trop étrange...

Les secondes s'écoulaient. La pluie tombait toujours, inlassablement. Mia était à présent trempée jusqu'aux os. Des ruisselets d'eau coulaient le long de ses longs cheveux dénoués qui virevoltaient au vent. Sa frange était plaquée contre son front et lui cachait partiellement la vue. D'un geste soigné, elle tira sa frange sur le côté, se coiffant ainsi d'une raie de côté. Ses pieds étaient mouillés. L'eau était entrée dans les bottes de cuir de l'archère. Sa cape ne la protégeait plus du tout. L'eau passait au travers et sa chemise était toute aussi mouillé que le reste de ses vêtements. Son carquois avait déjà accumulé un bon fond d'eau de pluie et les pointes des flèches allaient sûrement finir par rouiller. Ses gants aussi étaient trempés. L'eau les rendant glissant, elle espérait ne pas avoir besoin d'encocher une flèche, car elle doutait de sa précision en cas de danger.

Le temps passait, le doux bruit des gouttes de pluie frappant les feuilles des arbres envahissaient la forêt et les cris du vent qui s'était levé entraînait un changement d'atmosphère. Jusqu'alors reposante, elle en devenait lugubre. Un orage se préparait. Le tonnerre n'allait pas tarder à gronder et les éclairs viendraient pourfendre le ciel de leur lueur jaune. Perdu dans ses pensées, Mia fut soudain ramenée à la réalité par une voix.

N'est il pas de bon aloi de se présenter avant de demander le nom de qui que ce soit?

La jeune femme sursauta et se retourna d'un mouvement brusque. Elle ne savait pas du tout de quelle direction venait la voix. Elle jeta des regards autour d'elle et posa ses yeux sur l'animal. Ce dernier n'avait pas bougé. Intriguée, elle regarda à nouveau les alentours, mais le manque de réaction du loup l'incitait à croire qu'il n'y avait personne. D'où venait donc cette voix? Était-elle vraiment devenue folle? Commençait-elle à entendre des voix?

Soudain une idée traversa son esprit. Mia repensa aux mots qui avaient été prononcés. C'était une sorte de réponse à sa question. Une personne devait donc accompagner le loup, à moins que... ce soit le loup qui aie parlé. Sans s'en rendre compte, elle ouvrit de grands yeux. Certes, la magie existait sur les terres d'Alidhan, mais était-il possible qu'un loup puisse parler?

Sans conviction et de manière hésitante l'archère répondit toutefois. Au pire, si vraiment elle était folle, elle se mettrait à parler toute seule.

Erhm... je... je m'appelle Mia... Mia Gil'Sayan... archère Vindicatrices du cartel de Brumebois.

Elle marqua une pause et voulut reprendre, mais n'en eut pas le courage. Elle se trouvait très idiote et l'idée de la folie devenait de plus en plus angoissante.

Tout se passa très vite. Il y eut un coup de tonnerre. Mia sursauta et fit volte-face, cherchant la cause de ce vacarme. Lorsqu'elle se retourna, le loup avait disparu, à sa place se tenait un être quelque peu différent. S'il ne s'était pas tenu debout sur ses pattes arrières et s'il n'avait pas une musculature d'homme impressionnante, on aurait pu dire que la créature était un loup, mais les différences étaient trop flagrantes. Ce n'était pas un humain, pourtant il adoptait la même posture. Il était bien plus grand et bien plus loup.

L'archère recula d'un pas sous le coup de la surprise et étouffa un cri. Les nuages noirs masquaient le soleil, rendant l'atmosphère étouffante. L'apparition de la créature n'arrangea en rien les choses. La jeune femme sentit la peur prendre peu à peu le dessus. La créature qui lui faisait face était effrayante. L'orage grondait, comme annonciateur d'une catastrophe. Elle jeta des coups d'œil affolé autour d'elle et pensa un instant à partir en courant, pourtant quelque chose la retint. Le regard du demi-loup avait gardé sa couleur d'or. Regard enivrant et apaisant, Mia se sentit soudain mieux. Elle parvint à décoller ses yeux de ceux du loup et revit le ruban rose. Elle repensa à son sentiment d'invulnérabilité ressentit plus tôt. C'était toujours le même être qui se trouvait devant elle, peu importe sa forme, il était toujours le même loup blanc. Elle secoua la tête et fut interrompu dans ses pensées par la créature.

Je me nome Kempashi Zaraki... Guerrier au service des Divines... Et lycan... Vous ne devriez pas rester sous la pluie comme cela... vous allez prendre froid... Si vous le désirez je puis vous menez en un lieu chaud et sec...

Toutes craintes furent anéanties par ces simples mots. L'archère sourit malgré elle. Elle se trouvait face à un lycan. Voilà qui expliquait tout! Et pas n'importe lequel, Kempashi Zaraki, un membre des Vindics. Mia avait déjà entendu son nom, cité dans une conversation sûrement, mais n'avait jamais eu la chance de le rencontrer. Il faisait partie du même clan et pourtant ils ne s'étaient jamais vus avant. Il avait fallu une chasse lors d'une journée pluvieuse pour qu'ils se rencontrent.

Elle allait accepter son invitation, lorsqu'une petite voix dans sa tête enclencha la sonnette d'alarme. La guerre faisait rage, des ennemis pouvaient se cacher derrière chaque arbre. Comment pouvait-elle avoir confiance en quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. Il pouvait avoir usurpé l'identité du vrai Kempashi, après tout, elle ne savait rien de lui. Non, elle secoua une nouvelle fois la tête. L'archère ne s'était pas encore vraiment habitué au nouvel aspect du loup, mais elle avait confiance et son instinct lui donnait raison. S'il avait voulu la tuer, il l'aurait déjà fait depuis longtemps et puis, pourquoi soupçonner tout le monde. Il est Vindic, cela suffit à Mia qui chassa tous ses doutes. Elle se racla la gorge et répondit.

Enchantée, vous avez raison, il commence à faire froid ici. Je... je vous suis.

Tous les événements s'étaient enchaînés sans que Mia ne s'en rende compte. Elle avait été tellement absorbée par la situation qu'elle en avait oublié ses propres besoins. Maintenant qu'elle y pensait, elle sentit le froid lui mordre la peau sous ses vêtements mouillés. Elle fut subitement secouée de frissons, mais elle se reprit vite, espérant que le lycan n'aie rien remarqué. Son estomac se mit à gargouiller et elle comprit à ce moment que le temps était passé bien plus vite que prévu. Dépitée, elle poussa un long soupir.