J’ai envie d’écrire une histoire, je ne sais pas encore laquelle, les mots sont parfois fuyants mais plus malins qu’un âne qui recule, têtu.
Je fais confiance à ma plume, elle est souvent plus efficace que les idées qui s’épaississent dans la réflexion et finissent par ternir les phrases.
Ici, je viens si peu, de temps en temps. Solitaire, je fais ce que je sais faire, me promener seul, aventure en tête, je vais au hasard quand l’ennui me pousse hors des tavernes.
J’ai tout abandonné pour rejoindre ce baron, celui qui sème les gentillesses quand d’autres sèment le désordre et les questions vicieuses, les intrigues, les manigances imbéciles qui ne conduisent que dans les impasses.
Baron, vieux frère, je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de croiser ton pas ces derniers temps.
Je t’ai déjà remercié pour ton accueil ?
Si j’ai oublié, le cœur y était pourtant.
J’erre entre deux mondes baron, tu le sais, j’ai si peu de temps, si peux d’occasion de venir te saluer et saluer ces gens que tu as rassemblé sous ta bannière.
Et puis, je n’aime pas les sentiers battus, je préfère ce choix de franchir les frontières, de longer les déliquescences des terres abruptes où s'écoule un temps différent, le fleuve des pensées égarées, fugaces, la liberté en mire, toujours.
L’âme sauvage ou poétique, un choix d’imposition, la solitude est plaisante, loin des querelles assassines, je préfère rêver d’ailleurs, ailleurs.
Quand le vent souffle fort, tiède et suffocant, je m’enfuis et je viens ici, parsemer un peu quelques mots, quelques phrases sans grands intérêts, mais tu connais ça, toi, la tourmente.
Vieux frère, tu connais ça toi, conduire un navire au travers des récifs, durs et cruels, sans pitié pour les vieilles coques usés, fatiguées d’avoir déjà écumé les mers de tous horizons.
Je regrette parfois le temps des matelots, c’était si facile de se laisser conduire au gré d’un capitaine de corvette.
Quelle idée d’avoir voulu construire le navire.
Je m’égare encore.
J’étais venu conter fleurette à une demoiselle qui n’a qu’un œil et qui joue avec des pingouins, et je me retrouve à raconter des histoire de flottes et de bateaux.
Tu vois, la plume est ainsi, c’est elle qui mène la danse sur les cahiers d’écoliers.
Moi, qui adore les cahiers à spirales.
Je vais faire une trêve avec ma plume sauvage et détestable de m’entraîner sur des mers où la houle s’enroule et papille sur le bout des lèvres, des mots idiots.
Et puis, attendre, peut-être la visite d’un vieux frère ou d’une borgne charmante.