La formation

Hamster frappa doucement à la porte de la chambre.Comme tous les jours depuis bientôt une semaine , elle ne s'attendait pas à recevoir de réponse.
Elle entrebâilla la porte, n'osant entrer totalement dans la pièce, elle se sentait indésirable, ce n'était pas elle que le guerrier attendait.

L'homme emmitouflé sous une couverture grelottait et parlait dans son sommeil agité. Elle n'avait capté qu'un seul mot "Syliae", le nom de la femme cause de tous ses tourments.
Elle avait tenté en vain d'endosser le rôle de cette femme afin croyait elle naïvement de lui permettre de se pardonner ses erreurs mais rien n'avait marché comme elle l'avait escompté.
Non seulement Kempashi n'était pas sorti de son délire mais elle avait peut être même aggravé son état.

S'approcher de l'homme, lui prendre la main en le rassurant par quelques paroles aimables aurait été facile mais tellement malhonnête.Car il l'aurait prise à coup sur pour cette Syliae et tout ce qui s'en serait ensuivi n'aurait été que mensonges et malentendus.

Alors la jeune femme tout en se mordant les lèvres referma délicatement la porte et s'éloigna.

Il était tard et la jeune femme savait qu'il y avait bien longtemps qu'elle aurait du être couchée. Mais elle dormait mal ces derniers temps et préférait s'attarder à la taverne jusqu'à sa fermeture.
Elle s'étira et s'apprêta à se mettre en marche vers ses appartements lorsqu'elle remarqua une ombre, le dos vouté et la démarche trainante qui se dirigeait vers la grande porte du domaine.
Cette silhouette ne lui était pas familière, aussi le plus furtivement possible se dirigea t elle à son tour vers la porte.

Elle avait beau savoir que sa curiosité l'avait déjà maintes fois placée dans des situations délicates, elle n'hésita pas une seconde.
Une fois dehors elle n'eut aucune peine à suivre la silhouette qui se déplaçait si maladroitement. Lorsque celle-ci fit halte sous un chêne, Hamster eut tout loisir de la détailler.Alors que l'ombre reprenait son cheminement, la jeune femme demeura immobile, frappée de stupéfaction.
Elle se baissa enfin et repéra sur le sol ce qu'elle cherchait ; malgré la pénombre ce qui luisait la était bien du sang.

Pister un animal blessé était un jeu d'enfant pour elle aussi même si la silhouette n'était plus visible aux alentours, elle ne doutait pas de pouvoir facilement la localiser.
Elle se déplaça aussi silencieusement et subrepticement que sa haute stature le lui permettait et n'eut pas longtemps à marcher. A la lisière du territoire des éxilés, au beau milieu de la forêt, elle aperçu la silhouette immobile, agenouillée au pied d'un petit monticule de terre.
Elle s'approcha et put distinguer une croix formée par un fléau rouillé qui dominait le tertre.

Elle vacilla prise d'un malaise et du se raccrocher à l'arbre le plus proche.
"une tombe" pensa t elle.
Elle respira profondément et se décida à avancer pour venir poser doucement une main sur l'épaule de Kempashi.

Elle s'agenouilla et murmura dans un souffle :

"Que crains tu Kemp ? de ne pouvoir me protéger ? Je ne suis pas Syliae, je n'ai besoin de la protection de personne. je suis capable de veiller sur moi, alors cesse de trembler pour ma vie et pense plutôt à la tienne.
Ce n'est pas raisonnable de venir ici dans ton état. Viens avec moi nous rentrons."

D'une poigne ferme elle enserra le bras de l'homme pour l'entrainer mais rencontra une profonde résistance.

Elle ne regarda que furtivement la lame pour tenter de croiser le regard fuyant du guerrier. N'y parvenant pas elle enserra la tête de l'homme pour l'obliger à la regarder en face.

"Pourquoi venir ici alors ? Désires tu qu'il te tue ? Si ce démon est si puissant dans ton état et malgré tous les subterfuges, tu ne pourras le vaincre."

Elle laissa retomber ses mains et ajouta plus doucement :

" Mais ce n'est pas de ce démon dont tu devrais te méfier, la haine qui te ronge est mille fois plus dévastatrice.
Puisque tu insistes pour que je parte je vais le faire, je ne peux te sauver malgré toi."

"Il y a un adage qui dit : tout vient à point à qui sait attendre.
Patience kempashi, si ce n'est qu'un homme il n'est point invincible, à toi de faire en sorte d'être prêt le jour ou tu le croiseras à nouveau."

La jeune femme lui sourit et le prit par la main pour l'entrainer bien loin de ce lieu ou régnait le désespoir.

D'un geste leste elle se hissa dans les branches les plus hautes d'un hêtre.
De la haut elle voyait bien le combat qui se déroulait. Kempashi tel un archange de la mort envoyait valser têtes et membres, il était partout et ne semblait n'avoir jamais été blessé.
L'angoisse qu'avait ressenti la jeune femme au début de l'affrontement s'était peu à peu mue en espérance puis en franche sérénité.
Les ennemis disparaissant les une après les autres, elle s'enhardit même à descendre de l'arbre.


C'est alors qu'elle la vit.
comment avait elle pu ne pas la remarquer plus tôt ; la juste devant la croix , sur la tombe de Syliae, il y avait une fleur, une unique fleur blanche.

Elle s'approcha de Kemp qui paraissait épuisé et timidement posa sa main au creux de celle ensanglantée du guerrier.

Elle lui sourit puis tourna son regard vers la fleur perdue au milieu du monticule de terre.

"parle moi d'elle, mon tendre ami, parle moi de Syliae."

"je suis vraiment désolée kempashi, désolée que ce monde soit aussi cruel, désolée qu'il y ai aussi peu de place dans nos cœurs pour la compassion.
Tu es une personne de grand courage, mon ami. Ta diligence à l'égard de Syliae t'honore. je ne doute point qu'un jour ta vengeance arrive à son terme et qu'enfin tu puisses retrouver la paix."

Malgré la pénombre sous les grands arbres , Hamster porta son regard sur le territoire des éxilés.

"ton combat n'est point de mon ressort, je n'ai aucun devoir envers toi et pourtant si tu me le demandais..."

Reiki s'agenouilla près de Kempashi. Le porter jusqu'au lit n'était pas possible. Elle le soigna donc à terre. Les blessures ne saignaient plus et cela fut pour Reiki un bon signe. Il commençait à "lacher-prise". Elle plaça un oreiller sous sa tête et ramena sur lui une épaisse couverture. Puis elle s'installa dans son fauteuil et entreprit de passer la nuit à le veiller.