Lorsque la jeune femme ouvrit les yeux, le monde était blanc. Les pierres, les feuilles, jusqu'au moindre brin d'herbe, tout était recouvert d'une fine couche de givre, qui brillait dans les premiers rayons de soleil. Le froid était piquant.
Aspho se leva, ranima le feu de la veille, et y mit à chauffer un reste de soupe. Puis elle s'enveloppa dans sa grande cape, et réfléchit. Vivre à la dure avait ses limites, et il était temps qu'elle se trouve un endroit sûr pour passer les mois d'hiver. Elle hésitait toujours à s'imposer, mais là ses options étaient limitées... et puis, ils l'avaient toujours bien accueillie.
Son déjeuner avalé, sa décision était prise. Elle remballa donc rapidement ses maigres affaires, rajouta sur son sac ses deux couvertures et la toile qui lui avait servi d'abri, et se mit en marche.
Lorsqu'elle arriva au manoir, l'heure était encore matinale, et elle ne vit aucun signe d'activité. Elle resta immobile un instant, pensive, devant la grande bâtisse. Elle avait encore du mal à réaliser qu'elle faisait désormais partie d'une guilde aussi puissante.
Elle monta les escaliers, puis suivit le couloir. La plupart des chambres étaient visiblement habitées. Dans certaines, les ronflements étaient sonores, dans d'autres les grincements de sommiers et des murmures essoufflés révélaient que les occupants étaient en pleine activité. Elle vit aussi des portes entrebâillées, les résidents sans doute aux toilettes... ou dans une chambre voisine.
Enfin, elle s'arrêta devant une porte fermée. Aucun bruit ne filtrait derrière, et la plaque numérotée était tombée, sans doute depuis un certain temps. Elle sortit la clé de sa poche, et ouvrit. Un voile gris recouvrait le sol et les meubles, et dans le rayon de lumière qui tombait des fenêtres, elle vit les traces du passage de nombreux rongeurs.
Elle soupira. Puis, posant son barda dans le couloir, elle entra, alla ouvrir en grand les fenêtres et ressortit, à la recherche d'un placard à balais.
Quand la nuit tomba, la chambre sentait le propre, et le parquet avait retrouvé sa couleur d'origine. Un feu crépitait dans la cheminée, créant des reflets orangés sur les lourds rideaux fuchsia, sur les murs saumon, et sur le tapis beige rosé.
Aspho, ayant récupéré son sac, examinait son nouveau chez elle... et soupira:
Bon, y a plus qu'à refaire la déco, maintenant!